Regard d’enfant

Michel Chaillou, 1945  récit, Editions de la Différence, 20121, 255p.

Parmi les ouvrages que je lis ces temps-ci sur la seconde guerre mondiale, j’ai trouvé celui de  Michel Chaillou « 1945, récit » bien singulier. Singulier par le thème traité et  singulier par sa très belle écriture poétique.

De quoi s’agit-il ?

D’un récit autobiographique.

A l’heure de ses cheveux blancs, l’auteur se replonge dans ses années de jeunesse, de 9 à 15 ans, vécues entre Nantes et la Bretagne de 1939 à 1945. Si tous les évènements marquant localement cette période (occupation, bombardements, étoile jaune, prisonniers de guerre, poche de résistance allemande…) sont présents, ils sont placés en toile de fond à un drame intime : comment porter la honte d’une mère ayant « collaboré horizontalement » avec l’ennemi ?

Dès les premières pages le ton est donné :… j’aimerai lui demander, aujourd’hui qu’elle n’est plus, j’aimerais… Mais comment as-tu pu ?  A quoi pensais-tu donc  cet été là à Morgat dans le haut de ta tête, toi, si honnête, radieuse, si intelligible, toi qui fus si courageuse dans ton rôle d’ambulancière lors des bombardements de Brest, toi… ?...

Et ce pourquoi va sans cesse revenir, roulant telle une vague (Michel Chaillou évoque si souvent l’océan), le long des 255 pages de son récit avec violence, douleur et pudeur. Mais ni réponse, ni explication ; cet enfant balloté d’un lieu à un  autre sera laissé à son incompréhension par les adultes de sa famille  si peu concernés par la guerre.

Emue par le double regard d’enfant vieilli porté sur la femme complexe et la mère aimante, ce livre m’interroge cependant sur les circonstances qui mènent une personne à choisir tel ou tel camp. Mais j’y reviendrai grâce à Pierre Bayard 2

1 première édition en 2004 aux Editions du Seuil

2 Pierre Bayard, Aurais-je été résistant ou bourreau, Les Editions de Minuit, 2013